C’était un matin de Novembre, triste ou les nuages s’amoncelaient dans le ciel comme dans ma tête. De ces moments ou on ne sait pas si l’averse va nous submerger ou si le vent va chasser le mauvais temps pour laisser la place au soleil.
Je marchais dans la rue, et je l’ai vu, là, échoué sur le trottoir, incapable de faire un mètre de plus, avec ses pauvres yeux clignotant qui lançaient un appel de détresse. Personne ne voyait comment il était ravagé d’avoir perdu sa condition initiale, comment les coups de klaxon qui rageusement lui étaient adressés ne faisaient que souligner son incapacité à satisfaire son rôle fondamental. Lui habitué sans cesse avec rapidité à contribuer, à aider, à réparer, à transporter le nécessaire de premier soin pour des organes défectueux, devait accepter de perdre son statut d’utilitaire pour n’être qu’un tas de ferraille, un bijou de technologie réduit à l’impuissance, bref un « Inutilitaire ».
Alors, de désespoir, il a craché par sa portière avant gauche un jeune humain, source de tous ses maux. Ce jeune homme était à plat, cabossé à cause d’un mal de dos, désespéré, avec une colère sourde qui montait mais ne pouvait vraiment s’exprimer. Il s’en voulait et en voulait au monde entier, car son métier le harassait. Il roulait de ville en ville pour maintenir des systèmes bancaires. A cause de se rythme effréné, ou il s’oubliait, il souffrait du dos depuis plusieurs jours avait enfin trouvé un rendez-vous chez le médecin et s’y rendait. Il croyait avoir assez de carburant pour y arriver, mais la jauge perfide l’avait trompé.
A cet instant, comme par magie, mes nuages personnels se sont dissipés. J’ai fais un pas, Le Pas, vers lui. Je lui ai dit qu’il me semblait qu’il avait besoin d’aide. Il m’a dit qu’il ne voulait pas me déranger, qu’il allait aller à pied à la prochaine station service à 20 minutes de là, alors qu’il ne pouvait pas se baisser. Pourquoi est-il parfois si difficile d’accepter et de montrer sa vulnérabilité ?
De l’autre côté de la route, trois techniciens réparaient un feux tricolore. Je leur ai demandé s’ils pouvaient nous aider à pousser le véhicule pour dégager la voie et faire taire le concert de klaxons dont l’harmonie m’a parue plutôt déplacée. Leurs sourires et leur spontanéité pour donner un coup de main a tout de suite fait monter la température de quelques degrés.
Je suis parti chez moi chercher ma voiture, ai préparé un panneau « EN PANNE » , trop content de coller un bout de papier sur la vitre de ce véhicule merveille de technologie, réduit à l’inertie.
Après avoir fait l’aller retour à la station service, nous avons donné à boire au monstre assoiffé de gasoil. Est-ce parce qu’on ne lui avait pas retiré son panneau, preuve de sa pauvre condition d’Inutilitaire, il a refusé de démarrer.
Mon compagnon d’infortune, Alexandre, s’est jeté vers son sauveur Google pour trouver une solution, mais il y en avait 1000 !
Après un deuxième essai pour la réveiller, la bête s’est mise à tousser puis finalement à ronronner. Alexandre est ressorti de son siège, tout à coup avec plus de légèreté, il est venu vers moi, il m’a pris dans ses bras et m’a demandé comment il pouvait me remercier. Je lui ai dit que s’il se rappelait de ce moment à chaque fois qu’il verrait quelqu’un en difficulté, je serais comblé.
En vérité, sans le savoir, il m’avait déjà remercié. En me faisant oublier mes propres nuages pendant ce temps d’amitié. En m’offrant le soleil de son sourire retrouvé. En me rappelant que dans la vie, rien n’est jamais perdu et qu’il y a toujours du positif dans les difficultés, il suffit de le trouver. En me permettant d’initier une chaine de solidarité, qui grandit, je crois à chaque fois je raconte ce petit moment.
Alors, merci d’avoir lu ce petit récit et je vous souhaite d’ajouter votre propre maillon à cette chaine de solidarité en faisant de temps en temps un pas vers celui qui est en difficulté. Et surtout, que le soleil brille toujours pour vous, peu d’évènements sont bon ou mauvais tant qu’on est en vie, seule la façon dont on les regarde leur donne leur vrai tonalité.
Ji-Aime